Oeuvre d’éternité qui s’ébauche en plusieurs temps et qui décline tous les talents, la tapisserie d’Aubusson est un trésor d’histoire et de tradition, constitué d’un savoir-faire absolument prodigieux et rigoureux. En tant que création de prestige inscrite en 2009 par l’UNESCO au Patrimoine Immatériel de l’Humanité, la tapisserie d’Aubusson doit mériter ses lettres de noblesse et, pour être authentifiée sous cette appellation, doit répondre à des critères exigeants et spécifiques… L’objectif étant que votre projet puisse, à son tour, apporter une nouvelle pierre à ce somptueux édifice.
Depuis cinq siècles, la tapisserie d’Aubusson et de Felletin tisse une histoire de savoir-faire et de prestige tout en gardant secrète celle de son origine.
Son existence est-elle due aux Sarrasins installés sur les rives de la Creuse après leur défaite en 732 à Poitiers ?
Certains spécialistes le prétendent tandis que d’autres, comme l’Abbé Lecler, affirment qu’il s’agirait là de « pur roman ». Néanmoins, l’histoire garde la trace d’ouvriers d’origine sarrasine s’étant établis pour le compte de la communauté des maîtres tapissiers, ce qui laisserait à penser que cette piste soit tout à fait crédible.
D’autres évoquent une émergence de la tapisserie d’Aubusson liée directement à Louis 1er de Bourbon, alors comte de la Marche, qui a incité dès 1331 des tapissiers flamands à rejoindre les bords de Creuse, dont on vantait déjà la qualité des eaux, idéales en raison de leur acidité lorsqu’il s’agit de dégraisser la laine et de procéder à d’excellentes teintures.
En Creuse, les moutons étant nombreux et intégrés de manière traditionnelle et à la vie rurale, la laine, fortement valorisée, allait naturellement être employée à des fins de tissage. Aussi, sous l’influence flamande en ce qui concerne les techniques de basse-lisse, jusqu’au point commun inhérent à la patronne, Sainte-Barbe… la tapisserie d’Aubusson est née.
Aussi bien aux yeux des amateurs que des néophytes, en songeant à la tapisserie d’Aubusson affluent aussitôt les « Verdures », qui, à partir du XVIème siècle, constituent le thème autour duquel s’est développée son activité, et surtout, à partir duquel s’est établie sa notoriété. Déclinées sous différentes formes, les verdures ont été inlassablement tissées par les lissiers et, bien que faisant l’objet depuis une trentaine d’années d’un léger désintérêt de la part du public, elles constituent encore une part importante du marché de la tapisserie d’Aubusson, dont elles sont devenues l’emblème.
Evidemment, représentant également les centres d’intérêt des époques qu’elle a traversée, la tapisserie d’Aubusson s’est également enrichie d’autres thèmes : des scènes de chasse, représentant des cavaliers et toutes sortes d’animaux, mais aussi des illustrations d’ordre historique, religieux ou mythologique.
La tapisserie d’Aubusson, a fait l’objet de la part de son chœur d’artisans, d’un souci constant de création et d’ouverture. Aussi s’est-elle enrichie de nombreux peintres dont les œuvres ont permis de fabriquer des cartons : Jean-Baptiste Oudry, peintre animalier à l’origine de tapisseries d’Aubusson telles que les Fables de La Fontaine illustrées et, entre autres, les « Métamorphoses d’Ovide », ou encore Jean-Joseph Dumons, dont l’influence a été considérable. Citons également François Boucher, Jean-Baptiste Huet, Le Brun, Lancret, Jacques-Nicolas Julliard, Watteau… ainsi que Jacques Barraband, couvert de gloire par tous ses apports à la tapisserie d’Aubusson, et d’autant plus méritant que s’était placée en travers de son itinéraire, et de celui de la tapisserie d’Aubusson… la Révolution Française, à l’origine d’un « anéantissement complet des fabriques », auquel il a fallu, les années suivantes, pallier.
Tel le sphinx, la tapisserie d’Aubusson, portée par l’inaltérable ardeur et rigueur de ses différents artisans et défenseurs, a été contrainte de tout mettre en œuvre afin qu’elle puisse renaître de ses cendres, et que lui soit prodigué un nouvel élan.
Au XIXème siècle, néanmoins, trop fortement cantonnée à la reproduction des cartons fournis par les peintres et à l’imitation de leur art, la tapisserie d’Aubusson, essoufflée et en mal de créativité, ne témoignait plus d’aucune personnalité. La nomination en 1917 d’André-Marius Martin au poste de directeur de l’ENAD s’est avérée providentielle. Durant treize ans, porté par la détermination à rompre les codes et les cadres dans lesquels avait fini par s’affadir la tapisserie d’Aubusson, André-Marius Martin a multiplié les initiatives dans le but que souffle un vent nouveau sur ce savoir-faire dont il lui paraissait primordial de mettre en avant le caractère original et empreint de multiples possibilités. En 1934, il a rédigé un article faisant état de sa démarche ainsi que des nombreuses réflexions qui l’animaient, touchant par excellence aux carences auxquelles il avait à cœur de compenser. Ainsi a-t-il notamment souhaité mettre en avant les critères d’un « carton moderne de tapisserie », exposant dans quelle mesure, selon lui, la tapisserie d’Aubusson avait fait l’objet d’influences néfastes.
En 1930, Elie Maingonnat, à son tour, nommé jusqu’en 1958 à la direction de l’ENAD, disciple de André-Marius Martin, s’est donné pour objectif de permettre à la tapisserie d’Aubusson de regagner sa pleine dimension et, pour ce faire, a décidé de séduire l’univers des peintres de son époque. Fortement attaché à l’idée d’un savoir-faire reflétant les possibilités et l’âme d’une ère dédiée toute entière au foisonnement d’idées et de talents, Elie Maingonnat, en compagnie de François Tabard, dirigeant de la Manufacture du même nom, est entré en contact avec Jean Lurçat, peintre renommé et talentueux qui, désormais, allait à son tour rejoindre l’histoire de la tapisserie d’Aubusson, la marquant profondément de son empreinte. Puis à leur tour, les peintres Calder, Lapicque, Lagrange, Prassinos, Dom Robert… implantent leurs pinceaux à Aubusson, mais aussi Braque, Picasso, Gromaire, Vasarely, Dali, Cocteau, Le Corbusier… cette synergie permettant à la tapisserie d’Aubusson de se décliner selon tous les styles et, surtout, de se projeter dans l’avenir d’une façon nouvelle.
En dépit des crises dont elle a fait l’objet de manière intermittente, la tapisserie d’Aubusson n’a jamais cessé de constituer un véritable pôle d’activité. En 2009, un nouveau moment de son histoire a eu lieu, l’Unesco ayant décidé d’inscrire la tapisserie d’Aubusson au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité : ainsi, bien que l’univers des artisans s’étant considérablement réduit au courant des trente dernières années, ainsi que celui des manufactures, la tapisserie d’Aubusson, faisant l’objet de multiples initiatives visant à permettre son redéploiement et à optimiser sur le plan international son rayonnement… poursuit son chemin, teinté de prestige, d’esprits ardents et passionnés, de techniques savantes et chevronnées… afin de demeurer un art vivant, un cœur palpitant de patrimoine et de vocations.
Une envie de vous plonger plus encore au coeur de l’histoire, riche et singulière, de la tapisserie d’Aubusson?
N’hésitez pas, dans ce cas, à vous tourner vers les ouvrages passionnants de Robert Guinot, notamment: « La tapisserie d’Aubusson et de Felletin » (paru aux Éditions Lucien-Souny), ou celui de Chantal Chirac, consacré tout spécialement aux « Cartons de tapisserie d’Aubusson » (aux éditions Vial).